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admis à prêter serment devant les tribunaux ; même pour défendre sa personne. Une autre loi de la même île fait prohibition à tout homme blanc de donner à son fils de couleur plus de 2, 000 livres courantes (30, 000 fr.) Le but de cette loi, inutile de le faire observer, est de maintenir les affranchis dans la dépendance, en les maintenant dans la misère.

On le voit, partout l’esprit de la législation est le même, partout il commande le préjugé, et il résulte comme nous l’avons dit des prescriptions du législateur, cette évidence importante que le préjugé est loin d’être aussi naturel qu’on le prétend aujourd’hui, puisqu’il a fallu des lois réitérées pour le constituer autrefois. Les créoles qui se plaignent si amèrement d’être livrés au régime des ordonnances, ne veulent pas se rappeler qu’ils furent autrefois bien autrement soumis à la volonté absolue de la mère-patrie et au despotisme des bureaux ; il existe seulement pour la Martinique cinq gros volumes de décrets ou instructions, sous le nom de Code de la Martinique ; et tout n’y est pas. Étrange contradiction de l’esprit humain ! Peut-être alors les planteurs se cabraient-ils autant sous les ordonnances qui ont constitué leur société actuelle avec tous ses vices, qu’ils se révoltent présentement contre celles qui veulent les réformer !

La vérité est qu’un de leurs plus vifs griefs à l’encontre des abolitionistes, c’est qu’on les rende responsables de l’esclavage et de ses détestables suites. Sur ce point j’avoue que je partageais le tort, et j’en fais excuse publiquement. C’est la métropole, cela est avéré maintenant pour nous, qui imposa aux colons leurs mauvaises idées actuelles, qui les encouragea à l’esclavage comme à la traite. Nous n’eûmes pas un mot à répondre quand ils nous dirent : Vous nous accusez ! mais c’est vous qui nous avez donné l’esclavage. En fondant les colonies dans un but d’intérêt politique, et avec des vues d’utilité exclusive pour la mère-patrie, vous avez encouragé les colons à accroître leurs richesses par le travail des nègres. L’édit du 28 mai 1664 portant création de la compagnie des Indes occidentales