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des noirs est le seul moyen de détruire l’objection capitale dont leurs ennemis abusent contre eux. Le défaut d’intelligence, ce vice qui existe jusqu’à un certain point, et que l’on dit propre aux noirs, n’est propre qu’à l’esclave, c’est l’esclavage qui en est responsable en ce sens qu’il empêche l’éducation de suppléer à la nature et de la corriger, si tant est qu’elle soit réellement mauvaise.

Ce qui se passe à la colonie américaine de Liberia sert de bonne démonstration à notre raisonnement et lui vient donner le relief d’un fait accompli. Un capitaine de la marine militaire des États-Unis, M. W. Ch. Bell, avec lequel nous nous trouvâmes à table chez M. Perrinelle, fournit sur Liberia des renseignemens que l’on jugea véridiques au caractère d’impartialité qui paraissait y présider. Tout ce que disait le capitaine Bell était de fraîche date, il relâchait à Saint-Pierre, au retour même du voyage qu’il venait de faire à la côte d’Afrique. Cette colonie, comme on sait, fut fondée par la société d’abolition de l’Amérique du nord, et est toute entière composée de nègres, anciens esclaves ou libres malheureux, qui ont été amenés là faute de moyen d’existence en Amérique. La civilisation s’y développe avec rapidité, on s’y occupe également d’industrie et d’agriculture, et tout le monde travaille. De nombreuses écoles gratuites sont situées en des endroits choisis de la ville, pour que les enfans de tous les quartiers puissent y venir sans être forcés à des déplacemens considérables. Le mécanisme gouvernemental de Liberia, est pareil à celui des colonies Anglaises, un congrès vote le budget et les lois qui doivent être soumises à l’approbation du gouverneur[1], et n’ont force légale qu’après avoir été sanctionnées par la société fondatrice. Le capitaine Bell qui s’était présenté à plusieurs séances du sénat noir, en citait la dignité. Il faisait aussi l’éloge de la tenue d’un jury qu’il avait vu administrant la justice. Il avait

  1. Le gouverneur est le seul homme blanc de l’administration. Il est nommé par la Société d’abolition américaine.