étaient chargés, et qu’un enfant libre, de cinq ans, aurait rendue en une minute. »
À priori, on peut dire que l’intelligence des esclaves est en rapport avec la manière dont ils ont été traités, pris en masse ils se montrent d’autant plus intelligens qu’ils sont moins esclaves. Sur deux habitations dont les maîtres ne se trompent pas aux signes de temps, et qui parlent ouvertement de l’émancipation devant leurs nègres, plusieurs esclaves avec lesquels nous avons causé et qui étaient parfaitement à leur aise, ne nous ont pas paru avoir moins de facilité que nos paysans. Tous, quand je leur demandais s’ils désiraient la liberté, répondaient oui, sans hésiter ; quelques-uns, je ne le cache pas, lorsque j’ajoutais : « Pensez-vous qu’il soit dangereux de la donner à tout le monde ? » répondaient encore oui. C’est le premier mouvement du cœur humain mal dirigé, le vieux cri de l’égoïsme : « Donnez à moi seul car seul je suis digne. »
En général nous avons très bien remarqué que ces hommes, malgré leur état inculte, ne disaient que ce qu’ils voulaient et savaient tourner une difficulté en vous adressant une question lorsqu’ils ne leur plaisait pas de vous faire une réponse. Leur intelligence est une force latente qui n’a besoin que d’exercice pour se manifester ; elle s’éteint autrement, comme elle est venue, à l’état rudimentaire.
Il n’est pas extraordinaire que la grande majorité des nègres s’arrête à un développement intellectuel fort resserré. Traités comme des animaux domestiques, assurés du gîte et de la pâture, où veut-on qu’ils aient pris des notions de vie sociale ? Ces choses-là ne se devinent pas, il faut avoir connaissance d’une vertu pour la pratiquer. Or, les nègres esclaves s’ignorent eux-mêmes, et devenus libres, leur isolement de tout foyer lumineux, l’état de compression éternelle où ils vivent, le préjugé de couleur qui les avilit à leurs propres yeux, mille causes refoulent en leur sein tout élan de leur âme, tout mouvement de leur esprit. On ne voit pas les serfs russes, polonais, valaques, produire beaucoup plus de grands hommes