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unité ; et lorsque nous en avons contesté quelques-unes, nous n’avions en vue que l’exactitude scientifique, aucunement l’intérêt de notre cause. Même comme abolitioniste, nous ne tenons pas du tout à blanchir le noir ; nous n’avons pas besoin de cela pour exiger sa délivrance.

Il y a déjà long-temps que Montesquieu a écrasé de sa sanglante ironie les abominables sophismes au moyen desquels on tire de la couleur des noirs une induction pour la légitimité de leur esclavage.

« Si j’avais, dit-il, à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :

« Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique pour s’en servir à défricher tant de terres.

« Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.

« Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presqu’impossible de les plaindre.

« On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir.

« Il est si naturel de penser que c’est la couleur qui constitue l’essence de l’humanité !

« On peut juger de la couleur de la peau par celles des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, était d’une si grande conséquence, qu’ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.

« Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun, c’est qu’ils font plus de cas d’un collier de verre que de l’or, qui, chez des nations policées, est d’une si grande conséquence.

« Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes, parce que, si nous les supposions des hommes, on