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siége de la couleur des nègres et des autres hommes. Qu’on lise aussi ce que Littré, membre de l’Académie royale des Sciences de Paris, a consigné dans les mémoires de cette société en 1702 ; la Vénus Physique, de Maupertuis ; mais surtout l’Histoire naturelle de l’Homme, de l’immortel Buffon. Joignez-y les observations du pénétrant Lecat, et vous ne ferez plus difficulté de tendre avec moi une main fraternelle aux nègres, et de les reconnaître pour véritables descendans du premier homme, que nous regardons tous comme notre père commun. »

Au reste, puisque tous les créoles prennent M. Virey pour arbitre, qu’ils l’acceptent donc tout entier ; lui-même ne peut échapper malgré ses doctrines acquises, à l’instinct qui rattache et ramène tous les hommes distingués au principe de l’indépendance de tous les êtres humains. Comme M. Bory de Saint-Vincent, il se montre énergique et généreux ennemi de l’esclavage des nègres, et voici comme il termine : « La nature nous avait formé libres et fiers ; elle nous avait rendus tous égaux à la naissance et à la mort. Quoique de longues habitudes puissent enseigner à des individus à se complaire dans leurs chaînes, quoique des races abâtardies par un constant esclavage, naissent peut-être, comme le pensait Aristote, esclaves désormais par nature ; le noble sentiment de la liberté ressuscite sans cesse au fond de tous les cœurs, c’est l’élément de toute vertu, de tout génie, et par conséquent, c’est le bien imprescriptible de la première créature, reine de toutes les autres… Ils sont paresseux, je le crois, ils n’ont point de religion, point de lois chez eux ; soit, mais est-ce donc un motif pour les asservir, les arracher des bras de leurs familles, du sein de leur patrie, pour les traîner chargés de chaînes en de lointains climats, les forcer à se courber sous un fouet menaçant, à engraisser de leurs sueurs une terre brûlante où ils multiplient sans récompense des richesses qui ne sont pas pour eux[1]. »

  1. Dictionnaire des sciences médicales, article Homme.