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qui les connaissent ; il leur donne une vue perçante et un odorat assez fin « pour flairer les serpens et suivre à la piste les animaux qu’ils chassent. » M. Virey, cela est bien clair, n’a jamais vu d’hommes noirs de sa vie, il en construit un à sa fantaisie dans son cabinet. On n’en fait aucun doute, lorsqu’on l’entend ajouter que le sang, l’humeur bilieuse, les viscères, etc., du nègre sont imprégnés d’une teinte noirâtre. Puisqu’il copiait Sommering, nous ne voyons pas pourquoi il n’a pas copié tout de suite Meckel, médecin prussien, qui lui copiant Hérodote et Aristote, osait écrire en 1757 que les nègres étaient une race d’hommes à part « parce que leur cerveau et leur sang sont noirs. »

C’est une chose affligeante de voir un homme sérieux accepter aussi légèrement les imaginations des anatomistes spéculatifs, et prendre la science à l’état où elle était il y deux siècles.

Qui ne sait aujourd’hui que la teinte noire des nègres provient du tissu réticulaire de Malpighi, que ce tissu placé sous l’épiderme et commun à tous les animaux, est ce qui nous donne une coloration plus ou moins foncée selon la propriété plus ou moins foncée de ses sécrétions ? Il n’y a de noir chez le noir, que son épiderme. Nous avons vu des cadavres de nègres gonflés par les gaz qui se dégagent après la mort, le plus léger frottement, qui suffit alors comme on sait pour enlever cette épiderme, laissait voir une peau parfaitement rosée.

Il y a ici une observation assez extraordinaire à présenter. Il est généralement admis par la science que la décoloration, partielle ou complète, d’acquisition ou de naissance, est le résultat d’une dégénération. La femme toujours plus claire que l’homme, est aussi toujours plus faible, l’homme blond est également plus faible que l’homme brun ; les individus frappés d’inertie par l’âge ou le froid, blanchissent en raison de leur épuisement comme l’homme en vieillissant, comme la marmotte en s’endormant de son sommeil hibernal ; la chlorose qui énerve celui qu’elle atteint est blanche, la leucose ou blafardise, ne laisse aucune force à celui qui en est attaqué ; les