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conscience et les révoltes de leur bon sens. Les théories de M. Virey allaient donc trop bien à leurs désirs pour qu’ils ne les aient pas fort prisées. Tous les hommes de lecture parmi eux les citent. Pas un ne s’est donné la peine de vérifier les choses, de faire une dissection, mais n’importe, M. Virey l’a dit ! Sa parole vaut article de foi.

Nous sommes incapables d’entrer dans une discussion scientifique, et nous avons besoin de le déclarer d’avance, toutes les observations qu’on va lire sont faites avec une humilité extrême. Si nous nous permettons de les mettre sous les yeux du public, c’est que les créoles ayant adopté les doctrines de M. Virey, nous nous trouvons presque obligé d’en dire deux mots.

M. Virey affirme que l’épine dorsale du nègre est plus creuse dans sa longueur et plus cambrée à sa base que la nôtre. Ceux qui ont vu les noirs aux colonies où ils vivent presque nus, peuvent attester comme nous, que cette différence n’existe que dans les ouvrages des écrivains copistes de celui qui le premier a cru l’apercevoir.

Le trou occipital du nègre[1], selon M. Virey, est comme dans la brute, beaucoup plus rapproché de la partie postérieure du crâne, de façon qu’un Africain ne pourrait tenir sa tête perpendiculaire sur ses épaules. « L’homme blanc, dit le docteur, est parfaitement droit ; l’homme noir penche en avant. » Qui a jamais vu cela autre part que dans l’article du Dictionnaire des sciences médicales, non plus que la grosseur des nerfs cervicaux ? Cette grosseur ne pouvant avoir lieu qu’aux dépens de la masse encéphalique, amène la prédominance du système nerveux sur le système cérébral ; c’est bien pour cela que l’anatomiste blanc l’a trouvée chez les nègres ; il en résulte que chez eux comme chez les bêtes, la nature physique doit l’emporter sur la nature morale ; aussi M. Virey établit-il par esprit de conséquence que les nègres ont les sens plus développés, et plus actifs que les blancs. Il les fait gourmands quoique leur sobriété soit notoire pour tous ceux

  1. C’est comme on sait l’ouverture placée à la base du crâne, par laquelle passe la moëlle épinière, prolongement du cerveau.