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aussi en conclure que l’esclavage seul peut le produire et le perpétuer.

De deux choses l’une ? ou le poison est un fils de l’esclavage, et alors il faut tuer le père pour tuer le fils, ou l’on doit accueillir les idées qu’à émises M. le capitaine du génie Villemain. M. Villemain, par suite de la position qu’il occupa aux colonies, ayant eu à juger des faits d’empoisonnement, s’en exprime de cette façon : « La plupart du temps, le crime existe, avéré, patent, confessé, sans aucun mobile intéressé ou passionné. C’est l’homme qui incendie pour incendier, qui empoisonne pour empoisonner ; c’est de l’instinct sans réflexion, et que la crainte seule peut contenir. Vainement je demandais au prévenu, dans le tête-à-tête du cachot, si son état d’esclavage n’était pas le point de départ et le moteur instinctif de son action criminelle ; si dans l’état de liberté, il eût succombé à une aussi horrible tentation : eh bien ! je le déclare avec sincérité, je n’obtins jamais la réponse que ma raison appelait, qu’elle désirait même au point de vue de la dignité humaine. L’état de servitude n’était pour rien dans la perpétration du crime ; et sous ce rapport, le coupable me rejetait sans cesse hors du terrain où je voulais l’amener. Tout ce que j’ai pu démêler dans cet impénétrable mystère de l’esprit des noirs, c’est que les plus grands bienfaits provoquent souvent la plus grande ingratitude et les crimes les plus pervers. »

Si cela est ainsi, l’humanité doit se voiler la face de désespoir, et le nègre n’aura jamais assez de haine pour le Dieu qui lui donna un cœur plus féroce que celui des plus féroces animaux. C’est une précaution de sûreté publique de rendre bien vite à ses brûlans déserts, cette race horrible dont le mal est l’instinct, dont l’ingratitude est la nature, et qui déshonore l’espèce humaine. Suivons le raisonnement : Il serait plus sage encore d’exterminer ces êtres malfaisans, comme les loups et les hyènes ; car depuis deux siècles qu’ils vivent avec les Européens on n’a pu les apprivoiser ; ils empoisonnent toujours. Depuis deux siècles, ni les coups de fouet, ni les pendaisons, ni le baptême, ni la douceur