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au milieu de toutes les atrocités qui se commettent entre maîtres et esclaves, un côté peut inspirer plus d’horreur que l’autre, ne devrait-ce pas être celui des maîtres qui punissent de mort cruelle les hommes qui refusent d’être leurs premiers animaux domestiques ? Au surplus, nous ne craignons pas le moins du monde la responsabilité de nos principes, et nous les proclamerons toujours à pleine voix. La justice et la vérité sont au-dessus des faits. — Toute révolte d’esclaves est à nos yeux non seulement légitime mais respectable. Le nègre qui rompt ses chaînes, à quelque prix que ce soit, redresse une injustice ; il honore la morale universelle qui était offensée toute entière dans l’asservissement de sa personne.

Revenons. Le plus triste fléau des colonies paraît être une importation d’Afrique, et les planteurs avec leurs idées absolues, disent qu’il tient au caractère nègre ; que l’homme noir empoisonnera toujours, libre où esclave. Mais d’abord plusieurs îles, comme la Jamaïque et Antigues, où le poison ne s’est jamais introduit, attestent le contraire ; ensuite il n’est pas question d’empoisonnement dans le Code noir, d’où l’on doit conclure que ce crime n’avait point encore affligé nos colonies ; il ne parut même très probablement que beaucoup plus tard, puisque le premier acte législatif destiné à l’atteindre, ne remonte pas au-delà de 1724.

Ce que nous disons ici n’implique pas contradiction avec ce que nous avons dit plus haut. Il faut attribuer le poison exclusivement à la servitude, puisqu’on ne le trouve que dans les contrées où règne la servitude. C’est un mal qui leur est spécial, mais cela n’entraîne pas forcément qu’il devra servir partout de cortège à l’affreuse institution. S’il est des îles où le poison ne s’est jamais répandu, s’il ne s’est révélé aux colonies françaises que postérieurement à l’établissement de la servitude, on doit en conclure qu’il ne tient pas essentiellement à la nature de la race nègre, mais si on ne le trouve organisé que dans les pays à esclaves, comme la Martinique, la Guadeloupe, l’ancienne Saint-Domingue, la Trinité, la Grenade, on doit