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Quant aux empêchemens que les administrations locales mettraient au retour d’un réfugié, c’est une erreur de propriétaires, blessés qu’on ne veuille pas leur rendre ce qu’ils appellent leur propriété. Le gouvernement de la Grande-Bretagne s’oppose à ce qu’un maître français puisse saisir son esclave sur les terres de la Grande-Bretagne, rien de plus. Les réfugiés, pour quitter l’île où ils se trouvent, n’ont à remplir que les conditions imposées aux indigènes, aucune restriction particulière ne leur est appliquée, et le colon français qui aurait un exemple catégorique à opposer à ce que nous venons de dire, nous mettrait en mesure d’accuser de déloyauté M. le major Mac Phail, gouverneur d’Antigues, et vingt planteurs anglais dont nous tenons nos renseignemens sur la matière. Une preuve, en tous cas, qui appuie ces renseignemens d’une manière assez forte, c’est que bien que le nombre des nègres français arrivés à Antigues monte au moins à six cents ; il n’en reste guère que deux cents. Ces hommes hardis et d’humeur entreprenante, se laissent embaucher pour Demerara, où on leur promet plus d’argent, lorsqu’ils ne s’embarquent pas de nouveau pour la Dominique, Saint-Christophe et la Trinité, où ils trouvent des populations noires dont la langue et la religion leur sont familières.

On a vu que toutes les îles à esclaves, à quelque nation qu’elles appartinssent, ont leurs marrons ; elles ont toutes de même leurs déserteurs à l’étranger. Chez les Danois, où l’esclavage est d’une mansuétude extraordinaire, on a peine à empêcher les évasions qui se font sur Tortola, tant il est vrai que si bien dorés que soient les barreaux de la cage, le captif aime encore mieux le grand air. Les propriétaires de Saint-Thomas et de Sainte-Croix disent, à la vérité, que les mauvais sujets seuls s’enfuient, mais ils tiennent apparemment beaucoup à leurs mauvais sujets, car ils insistent auprès du gouverneur pour que les navires en station fassent bonne garde, et les côtiers viennent de tuer, en novembre 1840, des déserteurs qui refusaient de se rendre.