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avons vu, nous nous le rappelons, au pénitentier de l’île Sainte-Croix, trois pauvres nègres français qui s’étaient échappés quinze jours auparavant de la Basse-Terre, dans l’intention de gagner Antigues. Ils étaient quatre alors qui se mirent dans un canot avec une dame-jeanne d’eau et quelques pains. Dès le commencement de la nuit ils perdirent un de leurs avirons, et ne pouvant résister à des courans ils tombèrent en pleine mer, où ils voguèrent sans direction, jusqu’à ce que le hasard les vint échouer le douzième jour sur les côtes de Sainte-Croix. Ils étaient tous quatre privés de connaissance lorsqu’on les recueillit, on crut que la chaloupe n’apportait que des cadavres. Ils furent déposés à l’hôpital, l’un d’eux expira le lendemain. Les trois autres à force de soins revinrent à la vie, mais faut-il s’en réjouir ? Lorsqu’ils furent rétablis on les jeta en prison, et le gouverneur général des possessions danoises écrivit au gouverneur de la Guadeloupe : « Quatre esclaves français, de tels noms, ont échoué sur nos côtes, l’un est mort, je suis prêt à vous rendre les trois autres. Vous jugerez, je l’espère, que les souffrances endurées par ces malheureux, sont une punition suffisante de leur faute, et vous obtiendrez de leurs maîtres qu’ils ne soient pas punis. Je désire, M. le gouverneur, que vous voyez dans ce que je fais aujourd’hui une nouvelle preuve de mon zèle à maintenir la bonne harmonie qui existe entre nos deux cours. »

M. Jubelin aura repris les trois nègres en promettant leur grâce, les maîtres ne les feront pas moins châtier pour l’exemple général, et n’alourdiront pas moins la chaîne pour leur sécurité personnelle ; trois hommes de plus seront esclaves, mais la France et le Danemark resteront amis. Ne voilà-t-il pas des échanges de bien beaux et bien nobles procédés entre deux puissances civilisées, entre deux peuples libres ! C’est toujours une sottise de dire : « Si j’étais à votre place, je ferais cela », mais je dirai pour mon compte : « Si j’étais gouverneur d’une

    nombre des émigrés Français : à la Dominique de 7 à 800, à Sainte-Lucie 600, à Antigues 600.