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prévoir ; le pauvre nègre devient plus marron que jamais, car il se repose sur l’enchantement, ne demande plus rien à sa volonté pour se corriger, et part bientôt, emportant avec lui tous les exorcismes possibles.

La législation barbare de Louis XIV fut réformée par l’ordonnance de Louis XVI du 15 octobre 1786. Quelques très vieux nègres ont bien encore les oreilles coupées, un arrêt portant peine des jarrets tranchés fut bien encore rendu et exécuté à Saint-Pierre Martinique le 4 décembre 1815[1], mais cela ne peut empêcher de dire que les peines de la mutilation et de la marque sont abolies et inappliquées aux îles depuis longues années[2]. Un arrêté local de la Martinique du 2 floréal an xi qui condamne à la peine des galères l’esclave pris en marronnage pour la troisième fois, est tombé en désuétude. La loi coloniale est entièrement désarmée aujourd’hui contre les désertions à l’étranger et contre le marronnage. Le maître n’a plus que ses vingt-neuf coups de fouets avec le cachot et les chaînes à discrétion : c’est encore trop vis-à-vis d’hommes coupables seulement

  1. Arrêt du 1er décembre qui condamne Victor, esclave de Clémence ; Élie, esclave de Perpignan ; Charlery, esclave de Rachel, à assister à l’exécution de Manette et de Joseph, qui auront le jarret coupé par l’exécuteur de la haute justice, et seront ensuite remis à leurs maîtres ; Manette, pour vol avec effraction et évasion, Joseph pour vol et évasion, Charlery, Élie, Victor, pour s’être évadés et avoir volé à leur maître le prix de leur valeur.

    Exécuté a été l’arrêt ci-dessus en présence des officiers de la sénéchaussée de Saint-Pierre, sur la place ordinaire des exécutions, le lundi 4 décembre 1815, à dix heures du matin.

    Signé Borde.
    (Gazette de la Martinique, 15 décembre 1815.)

    On ne peut imaginer tout ce qu’il y a d’atrocité dans l’ancienne législation coloniale. Un arrêt du conseil de la Martinique, du 20 octobre 1670, condamne un esclave à avoir la jambe coupée et attachée à la potence afin de servir d’exemple, parceque cet esclave avait tué un ânon !

  2. Une ordonnance du 30 avril 1833 porte de nouveau abolition de ces peines.