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toutes totalement indépendantes, et dont le nombre des habitans était évalué en 1790 de quinze à vingt mille[1].

Un auteur anglais, M. Dalloz, a fait deux volumes des guerres des marrons de la Jamaïque[2]. En 1722, les habitans, après de vains efforts répétés pour dompter leurs esclaves déserteurs, transigèrent, afin de se mettre à l’abri de leurs déprédations, et leur accordèrent quinze cents acres de terrain au fond des montagnes bleues, où ils ont formé des établissemens qui subsistent encore aujourd’hui.

L’orgueilleuse Saint-Domingue, aux plus beaux jours de sa gloire et jusqu’à sa chute, ne cessa jamais d’être infestée de marrons dont les expéditions audacieuses firent bien souvent rêver les magnifiques créoles au milieu de leurs fêtes. Nous renvoyons en note une esquisse de l’histoire de ces marrons, tracée par un ancien habitant, qu’on lira sans doute avec curiosité. On y peut voir que Saint-Domingue recelait dans les montagnes de la Neyba une république de nègres indépendans, comme la Jamaïque dans les montagnes bleues[3].

  1. Stedman.
  2. Marrons’s war.
  3. « Je commencera par citer Polydor, nègre intrépide et entreprenant qui, en 1703, se forma une bande de nègres marrons, avec laquelle il attaquait et massacrait impunément les blancs jusque dans leurs maisons, portant l’audace et le crime jusqu’à leur enlever leurs filles et leurs femmes. On marcha en vain contre lui, on ne put jamais le joindre. Ce ne fut qu’après sept ans des plus cruels excès qu’ayant commis un acte de violence envers un de sa bande, il en fut assassiné.

    « Trois ans après un autre nègre ni moins barbare, ni moins courageux, nommé Chocolat, lui succéda. Il eut bientôt formé sa bande, et il se mit à commettre les mêmes atrocités ; plus adroit et plus fin que Polydor, il les eut poussées bien plus loin s’il ne se fut noyé en traversant la rivière à Limonade, après avoir inquiété et pillé les blancs pendant près de douze ans.

    « Diverses circonstances ayant conduit plus de blancs dans la colonie, les campagnes s’étant établies, ce moyen ne parut plus praticable aux esclaves entreprenans pour exécuter leur projet. Un nègre nommé