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Ils le regardaient comme un pestiféré moral qui avait contracté, sous les arbres de la forêt, la maladie de l’indépendance, et la pouvait communiquer aux autres.

L’article du Code noir, qui nous épouvante, ne parut cependant pas assez énergique. Le 1er février 1743, une déclaration du roi y ajouta la peine de mort contre tout esclave surpris en marronnage, porteur d’armes blanches ou à feu !

On ferait presqu’un volume avec les dispositions réglementaires, les arrêtés de police, les actes des autorités locales et métropolitaines rendus au sujet de la fuite des esclaves ou contre ceux qui les cachaient, appelés par les décrets du nom de receleurs.

La pénalité pour le recel des esclaves est la même que pour le vol, elle prononce de plus une indemnité en faveur du maître, de 15 francs par jour pour tout le temps qu’il est demeuré privé de sa chose. « J’ai vu, dit un vieux magistrat, qui nous est connu, un père et un frère ainsi condamnés pour avoir caché, l’un, son fils, l’autre, son frère. Les deux receleurs qui avaient acquis quelques biens furent entièrement ruinés. »

Dans la loi coloniale du 10 juin 1802, il est dit : « S. M. a ordonné et ordonne que les nègres libres qui cachent dans leur maison des esclaves fugitifs, recèlent ce qu’ils volent, ou sont complices de leurs méfaits, seront privés de leur liberté et vendus conjointement avec leur famille ! » Lorsqu’on n’étudie pas ses actes, on ne peut imaginer tout ce qu’il y avait de barbarie et d’iniquité dans le cœur du grand Napoléon.

Mais rien peut-il vaincre l’esprit de liberté dans certaines âmes. Aucune colonie n’a échappé au fléau du marronnage, c’est un des mille maux attachés à leur constitution coloniale. On voit, en parcourant les annales des Antilles, que les marrons, réunis en bande, furent à toutes les époques, pour le repos du maître, des ennemis dangereux, quelquefois cruels, toujours habiles et redoutables. — La configuration montagneuse des îles, et les forêts encore inexplorées dont leurs pics sont couverts, offrent aux fugitifs des retraites impénétrables.