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mère vienne prier le maître de faire tailler son fils ou sa fille âgée de vingt-cinq et trente ans « parce qu’ils ont failli au respect qu’ils lui devaient ! » Pourquoi s’étonnerait-on de pareilles choses ? les pauvres esclaves ne sont-il pas des hommes tout à fait ? Je reprochais à une vieille négresse d’avoir fait tailler ainsi son fils. Oh ! répondit-elle, comme aurait pu dire une de nos douairières : « Les enfans d’autrefois obéissaient mieux à leurs parens. » Que l’épiderme soit blanche ou noire, la matière cérébrale est toujours la même.

C’est pour cela qu’il arrive aux colons, dans ce débat, ce qui arrive à tous les avocats d’une mauvaise cause, ils cherchent à justifier le mal par le mal ; leur plus grand argument, pour repousser nos attaques contre le fouet, c’est qu’il est encore admis dans le code maritime de France, dans le code maritime et militaire de l’Angleterre, etc. Il est vrai, hélas, mais que ne fait-on point pour rayer de ces codes des articles aussi déshonorans ? En Angleterre, la presse entière ne s’indigne-t-elle pas à chaque application de la loi cruelle ; des pétitions collectives ne sont-elles pas envoyées chaque jour au parlement impérial contre cet horrible abus ? Et chez nous, que de restrictions viennent modifier l’horreur de ce qui en reste ! La peine ne peut être prononcée que par un conseil de guerre, on ne l’emploie que pour des crimes graves, comme le vol ou la révolte, et elle n’est applicable qu’en mer. Une fois à terre ou en rade, le matelot rentre sous l’égide de la loi commune, et ne peut plus recevoir de châtimens corporels, enfin, le nombre des coups, même pour un récidiviste, ne peut dépasser douze. Rien n’est laissé à l’arbitraire, pour ces actes ou la violence peut avoir tant de part, et malgré de telles garanties l’humanité et la civilisation qui les condamnent prévalent encore sur la loi qui les autorisent. Le ministère de la marine dans ses instructions confidentielles, nous le tenons de plusieurs officiers ; engage les états-majors des vaisseaux de l’état à n’user du hideux article de leur législation que dans les cas les plus extrêmes.

Au moment de notre visite à l’hôpital de San Juan (Puerto-