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l’abjecte punition. M. Arthur Clay, connu pour bon administrateur, a supprimé le fouet chez lui depuis 1832 ; il l’a remplacé par la détention de nuit, qu’il regarde en raison des goûts de vagabondage nocturne qu’ont les nègres[1], comme une punition beaucoup plus sévère pour eux ; et il s’en trouve fort bien. Avant d’aller plus loin, hâtons-nous de le dire, M. Arthur Clay n’est pas du tout un philantrope ; triste, aigri, ce colon distingué ne nous à pas semblé faire grand cas des hommes, quelle que fut la teinte de leur peau. Ennemi de l’abolition, ce n’est point parce que le fouet est dégradant qu’il l’a brisé, c’est parce qu’il l’a trouvé peu efficace ; l’importante réforme dont il est l’auteur, est due à un raisonnement spéculatif, et bien qu’il soit peut-être le seul propriétaire qui ait tenté cette épreuve, sa réussite doit être d’un grand poids pour tranquilliser l’esprit des abolitionistes.

Fait remarquable : pendant que M. Arthur Clay supprimait complètement le fouet au Lamentin, M. Duminay, commissaire de police de Saint-Pierre, chargé de l’inspection de deux prisons de cette ville, y obtenait de grands avantages par la même voie. Il réduisait à l’obéissance avec le cachot solitaire, purement et simplement, des condamnés à la chaîne, voleurs incorrigibles[2] dont il n’avait jamais pu rien faire avec la rigoise.

Ajoutons que depuis 1826, époque à laquelle le parlement anglais admit le droit de rachat par le pécule, le fouet fut retiré des mains du commandeur dans toutes les colonies de la Grande-Bretagne, et que la culture n’en alla pas plus mal. Un jour, à la Dominique, pensant à cela, nous fûmes particulièrement frappé du soin que mettaient à leur tâche des laboureurs libres, « ainsi donc ces nègres travaillent bien sans con-

  1. On se rappelle ce que nous avons dit sur la disposition qu’ont les nègres à choisir leurs intimités hors de l’atelier auquel ils appartiennent.
  2. Ils volent dans les rues en passant près des boutiques, lorsqu’on les mène aux travaux publics.