Page:Schœlcher - Des colonies françaises, 1842.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rées, et c’est un fait connu que nous leur payons plus cher qu’elles ne nous coûteraient ailleurs. Au-dessous de 50 fr. les cent kilogrammes de sucre, la Martinique et la Guadeloupe perdraient ; on en peut tirer à 30 et 36 fr. des colonies espagnoles. Le consommateur est donc ainsi frappé d’un impôt indirect au profit de nos possessions d’outre-mer. Les colonies, en aussi petit nombre qu’elles sont, centralisent nos débouchés, limitent une portion de la navigation française dans les Antilles, et l’empêchent de se porter autre part, parce qu’on ne pourrait acheter autre part les denrées étrangères sur lesquelles pèsent des droits prohibitifs.

Les ports de mer, dont certes l’opinion est d’un grand poids, se sont déclarés, nous le savons, en faveur des colonies[1] ; mais on peut croire qu’ils ont été aveuglés par le désir de faire tomber le sucre de betterave, nuisible au trafic maritime, et qu’ils ont fait alliance avec les Antilles contre l’ennemi commun. Reste à savoir si l’ennemi abattu, ils continueraient à voir du même œil la protection accordée aux Antilles ? Ce nombre de navires et de matelots qu’occupe le commerce avec nos îles ne trouveraient-ils point d’emploi, si la marine marchande affranchie du privilège colonial pouvait aller faire échange sur tous les marchés du monde qui lui sont ouverts ? C’est une question fort admissible en présence de l’Amérique

  1. Lettres des Commissaires des Ports de Mer, à la Chambre des Députés, 26 avril 1840.