telles cruautés ! Elles sont odieuses, mais ce n’est pas une des moindres raisons de la haine vigoureuse qui est commandée à tous les honnêtes gens pour l’esclavage, que la nécessité constitutionnelle de ces actes exécrables. Le droit du maître fondé sur la violence est fatalement condamné à la violence pour se maintenir. La logique veut qu’une société, quelle qu’elle soit, trouve les moyens de se conserver ; quand la société est contraire à la nature, elle ne se peut garder que par des lois contraires à l’humanité. Plus l’obéissance que l’on exige est difficile, plus la peine contre la désobéissance doit être impitoyable et l’on arrive à donner quarante-trois coups de fouet à une femme de soixante-six ans !
Nous avons assisté à une de ces ignobles exécutions ; c’est de visu que nous en pouvons parler. Nous nous trouvions chez M. Perrinelle, lorsqu’on vint lui porter une accusation des plus graves contre un de ses nègres. Cet homme était entré la nuit dans la case d’une femme appartenant à un petit habitant voisin ; il avait brisé la porte, et s’était jeté sur elle. Les cris de la négresse, en attirant du monde, l’avaient seuls préservée des violences du furieux. Il fut condamné au maximum de la peine.
On l’attacha sur une échelle couchée à terre, les bras et les jambes allongés ; on lui assujettit également le corps en travers des reins, précaution indispensable pour le préserver des accidens qui pourraient arriver, si en se remuant, il donnait facilité au fouet d’atteindre le bas-ventre. Ainsi amarré, et le corps mis à nu, l’exécution commença… L’instrument du supplice est un fouet à manche très-petit et à lanière très-longue, dont chaque coup faisait grand bruit. Ces coups furent-ils plus modérés que d’ordinaire, le commandeur en voulut-il ménager la force devant un étranger[1] ? Nous le pouvons croire, car le
- ↑ C’est toujours le commandeur qui remplit les fonctions de bourreau. On a fait remarquer dans un Mémoire qui sera bientôt publié, et qu’il nous a été permis de lire, que c’était encore là un vice particulier à l’esclavage. Le commandeur est un nègre, un esclave, il est mêlé à la vie commune, et participe à toutes les passions qui agitent