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et jour. — Le fouet est une partie intégrante du régime colonial, le fouet en est l’agent principal ; le fouet en est l’âme ; le fouet est la cloche des habitations, il annonce le moment du réveil, et celui de la retraite ; il marque l’heure de la tâche ; le fouet encore marque l’heure du repos ; et c’est au son du fouet qui punit les coupables, qu’on rassemble soir et matin le peuple d’une habitation pour la prière ; le jour de la mort est le seul où le nègre goûte l’oubli de la vie sans le réveil du fouet. Le fouet en un mot, est l’expression du travail aux Antilles. Si l’on voulait symboliser les colonies telles qu’elles sont encore, il faudrait mettre en faisceau une canne à sucre avec un fouet de commandeur.

Le commandeur qui conduit, surveille et excite l’atelier aux champs, est armé d’un fouet, et l’un des plus ardens défenseurs des colonies, M. F. Patron, membre du conseil colonial de la Guadeloupe, n’a pas nié dans un de ses écrits « les coups qu’il en allonge, durant le travail, de temps en temps aux traînards et aux paresseux. »

Les créoles sont trop unanimes à affirmer qu’il n’y a pas de travail possible sans moyen coercitif, pour qu’on puisse croire que le fouet soit aux mains du commandeur un simulacre sans vitalité ; cependant, redisons-le, durant nos longues courses à travers les campagnes, nous l’avons vu peu remuer ; il est moins actif que nous ne pensions, et l’on n’éprouve, à le voir souvent enroulé sous le bras du chef, que l’horreur instinctive qu’excitent les choses hideuses. — Autrefois, à l’époque où la santé et la vie des esclaves avaient moins de valeur pécuniaire, tout était bon pour punir ces misérables ; depuis l’abolition, il a été donné aux créoles ce problème à résoudre : Faire souffrir un nègre coupable, sans le rendre sérieusement malade, ni le tuer ; et ils ont cru en trouver la solution dans le fouet. C’est aujourd’hui la punition infligée aux esclaves pour leurs fautes de toute nature. Les femmes, comme nous l’avons dit, n’en sont pas plus exemptes que les hommes, et c’est une chose qui augmente l’indignation contre les mœurs coloniales, de