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sur l’habitation Gradis. MM. Gradis, à la vérité, pour encourager leurs nègres, donnent 120 francs de dot et font les frais de la noce ; puis, en outre, comme hommage à la pureté du lien consacré, ils ont décidé que les femmes mariées qui mériteraient un châtiment ne seraient plus couchées par terre, ni déshabillées pour le subir, mais le recevraient debout par dessus les jupes.

Lorsqu’on admet le fouet, il faut considérer ces modifications comme un bienfait plein de lumière.

Il serait à désirer que MM. Gradis fussent plus imités qu’ils ne le sont, car il a été observé que les femmes esclaves changent de conduite dès qu’elles se marient, et conçoivent plus de respect pour elles-mêmes. L’idée du devoir qu’elles ont embrassé les relève et les fortifie. Toute idée du devoir est bonne, parce qu’elle amène le recueillement. Serait-ce ainsi qu’il faudrait expliquer la remarque faite, que le nombre des enfans d’une habitation est en rapport d’accroissement avec celui du nombre plus grand des mariages légitimes ? MM. Gradis, par exemple, qui ont vingt-deux mariages, possèdent quatre-vingt cinq enfans au-dessous de quatorze ans dans leur propriété de deux cent-vingt esclaves ; tandis que d’autres n’en peuvent obtenir la moitié sur une population souvent plus considérable. Doit-on croire que les mœurs régulières du ménage inspirent aux mères des soins plus éclairés pour leurs enfans ? Ce serait possible. Cependant, l’explication ne nous paraît pas suffisante, car des propriétés sans mariages sont également favorisées. Ici encore se présente une énigme, celle de la fécondité ou de la stérilité, plus ou moins grande, que l’on observe sur certaines habitations. On serait tenté d’attribuer ces différences à des influences locales, si l’on ne devait supposer plus rationnellement qu’elles tiennent à des traditions, et que sans doute il est des ateliers dont les négresses ne voulant pas avoir d’enfans, usent de moyens connus d’elles seules, pour étouffer le fruit de leur conception, ou détruire leur progéniture à sa naissance. Est-ce la peine de naître, disent ces malheureuses, dont le ven-