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jour, en Europe, que l’autorisation de l’administration publique pouvait suffire, sans le consentement des maîtres, aux mariages des esclaves. Le ministère sourit la proposition en 1838, aux conseils coloniaux, ceux-ci la rejetèrent nettement. Le mariage gêne les maîtres dans leurs allures absolues, il restreint leurs droits ; car la loi ne permettant pas de séparer l’homme de la femme, il les empêche de disposer à leur fantaisie de leur propriété. Nous nous rappelons un planteur de Puerto-Rico qui disait : « Je ne voudrais point que mes nègres se mariassent autrement que derrière l’église, comme ils font ; j’aurais trop de peine à les envoyer chacun d’un côté, lorsqu’ils ne s’entendent pas. » Le Code noir a pris soin de placer sous la garantie de la loi cette délicatesse des colons ; il défend aux curés de marier les esclaves sans le consentement de leur maître. Le Code hollandais est plus naïf, il prononce une amende de 500 piastres et la destitution contre le curé qui marierait des esclaves.

« En Europe, un fils, une fille majeure, peuvent se marier malgré la volonté de leurs parens ; aux colonies, un esclave ne peut se marier malgré la volonté de son maître[1]. »

Il est de l’essence de la servitude de démoraliser l’esclave ; la conservation du maître veut que l’esclave soit un être avili, pour qu’il ne puise jamais d’idées généreuses dans la conscience d’une vie régulière.

On enlève aux femmes la pudeur ; aux pères le droit paternel, aux fils le respect filial. À ce nègre barbare qui vendait son enfant en Afrique, le maître arrache ce même enfant, qu’il vend à son gré et à son profit !

C’est ainsi que l’esclavage civilise le noir !

Et le conseil colonial de Bourbon dit, en style mystique, que « l’asservissement des nègres aux blancs est la première visite de Dieu à la race africaine ! » Ô blasphème !

Le petit nombre d’unions légitimes que l’on observe chez

  1. Considérations sur le système colonial, etc.