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clave d’une habitation sans l’habitation ; mais le maître lui, peut en disposer à son gré ; rien ne lui défend de le déplacer, de l’envoyer sur une plantation ou sur une autre, d’en faire enfin, ce qu’il veut comme d’un meuble, et par conséquent de le vendre, s’il lui plaît, ou de le livrer aux enchères publiques.

L’existence de l’esclave dépend toujours des chances attachées au sort de son maître. Il ne vit pas de sa propre vie. Aujourd’hui ici, il ne sait point s’il ne sera pas demain là-bas ; ses habitudes, ses goûts peuvent être violemment rompus chaque jour et malgré ses désirs, soit par la pure volonté, soit par une cause indépendante de la volonté de son maître, comme la faillite ou la mort.

Ouvrez le premier journal venu des colonies, et vous y pourrez lire, feuille des annonces :

« Au nom du roi, la loi et la justice,

» On fait savoir à tous ceux qu’il appartiendra, que le dimanche 26 du courant, sur la place du marché du bourg du Saint-Esprit, à l’issue de la messe, il sera procédé à la vente aux enchères publiques de :

« L’esclave Suzanne, négresse, âgée d’environ quarante ans, avec ses six enfans de treize, onze, huit, sept, six et trois ans.

« Provenant de saisie-exécution. Payable comptant.

« L’huissier du domaine, J. Chatenay. »

Oui, oui, l’huissier du domaine ; nous ne nous trompons pas. Le gouvernement de France fait vendre, à son profit, des femmes avec leurs enfans sur les places publiques d’une terre française !

« Au nom du roi, etc.

« Le même jour, lieu et heure, il sera vendu divers objets, tels que chaises, tables, etc.

« Provenant de saisie exécution. Payable comptant.

« L’huissier du domaine, J. Chatenay[1]. »

  1. Journal officiel de la Martinique du 22 juin 1840.