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Non-seulement l’esclave est un meuble, mais plus encore, son immobilisation n’est que fictive et accidentelle ; et son prix, lorsqu’il est vendu, ne revient au créancier, par privilège et hypothèque, qu’autant qu’il est vendu avec le fond. Quelques-uns ont audacieusement avancé que le nègre attaché à la terre ne peut être séparé de la terre. La commission du conseil colonial de la Martinique s’est chargée, elle-même, de confondre une telle affirmation, en disant dans son rapport du 1er octobre 1838 : « Les propriétaires se sont toujours entendus pour faciliter la conclusion des mariages projetés entre des esclaves de différentes habitations, en les affranchissant, ou en les réunissant par la vente ou par l’échange, sous l’autorité d’un seul maître. » Il a été de plus jugé, par un arrêt du tribunal de Fort-Royal (7 juin 1834), confirmé par arrêt de la Cour royale (10 août 1835), que le créancier d’un propriétaire d’esclaves n’avait aucune juste réclamation à faire sur le prix de l’esclave, lorsque celui-ci avait été vendu séparément du fond.

M. Sully Brunet, ancien délégué des blancs de Bourbon, confirme en ces termes tout ce que nous venons d’exposer. « La loi en vigueur fait de l’esclave un meuble. Elle défend cependant, qu’un bien rural soit saisi sans que la saisie ne comprenne les esclaves qui le cultivent. Le propriétaire est toujours libre de distraire de son immeuble tout ou partie des nègres qui y sont attachés. Cet état de choses n’a pas peu contribué à empêcher les progrès de la civilisation, et à entraver les mariages[1]. »

Que deviennent après cela les allégations de nos adversaires, et pourquoi les ont-ils émises lorsqu’il est si facile de les réduire à néant ?

C’est par ces défenses mensongères que l’on a si fort gâté la cause des colons. La servitude étant, ils ne peuvent empêcher qu’elle ne soit ce qu’elle est, ni paralyser ses conséquences forcées. La vérité est qu’il n’est pas permis de saisir l’es-

  1. Considérations sur le système colonial ; par M. Sully Brunet, 1840.