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ment éviter les gendarmes ; mais paraît-il dans une ville sans permis, on l’arrête, on le jette à la geôle : il est toujours en état de suspicion[1].

La loi ne reconnait pas d’état civil à l’esclave ; une circulaire du 6 nivôse an xvi (27 décembre 1805), renouvela cette déclaration de l’édit de 1685, lors de la promulgation du Code civil aux colonies. L’esclave existe, aux yeux de la loi, seulement par les recensemens du maître. En dépit des ordonnances de 1827 et 1828, qui font un devoir à l’autorité de tenir des registres de naissances et de décès des nègres, les naissances et décès de cette vile espèce ne sont constatés, bien souvent, que sur un morceau de papier ou sur le dos d’un vieux livre de compte de l’habitation, comme une note gardée pour mémoire[2]. Leur baptême se fait avec l’importance que la condition pécuniaire des parens peut y mettre, mais leur sépulture s’opère encore partout comme celle des animaux domestiques,

  1. Les ordonnances de police prescrivent à tout individu esclave d’être rentré à huit heures du soir chez son maître. Le nègre de ville, même le domestique, a besoin pour passer l’heure légale, d’un billet qui l’y autorise ; mais, comme on donne une demi gourde à chaque agent qui arrête un nègre en délit, il arrive que l’homme de la police anéantit quelquefois violemment le billet, et pousse le pauvre nègre en prison. C’est une demi gourde  * de gagnée pour l’alguazil ; le noir en est quitte le lendemain pour six ou dix coups de fouet, en compensation des frais de geôle qu’il a coûtés pour avoir perdu son billet.

    * On donnait autrefois une gourde, mais on fut obligé de réduire la prime et de la verser dans une caisse commune, parce que les exempts de police trouvaient trop de nègres sans billets.

  2. « Le peu d’exactitude qui a été généralement apportée aux déclarations de naissances et décès des esclaves, fait reconnaître la nécessité de prendre sur la matière des dispositions spéciales. Les administrations coloniales ont été consultées à ce sujet. (Précis sur la législation des colonies françaises, publié par la direction des colonies, 31 décembre 1832.) »

    Nulle mesure, à notre connaissance, n’a été prise depuis.

    « Aucun registre n’est tenu des naissances et décès ; ce qui ouvre un vaste champ à l’injustice et à la barbarie de certains maîtres. » (La vérité sur les événemens dont la Martinique, etc.)