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que l’art. 27 du Code noir, impose aux maîtres l’obligation de nourrir et entretenir leurs esclaves vieux ou infirmes, et en cas d’abandon, ordonne que ceux-ci soient placés à l’hôpital, aux frais du maître. Nous savons, de plus, que cette disposition a été fortifiée par une ordonnance des administrateurs de la Martinique, du 25 décembre 1783, qui fixe à trente sols par jour, les frais de l’entretien de l’esclave.

Vous insistez sur ce que vos esclaves sont traités quand ils souffrent, mais on n’a pas du moins à reprocher à la société européenne de laisser mourir ses pauvres de maladie. Il lui reste encore beaucoup à faire, sans doute, mais elle a déjà beaucoup fait. Le département de la Seine à lui seul compte trente-deux mille lits d’hôpitaux où les affligés sont vus par tout ce que la science médicale possède de plus éminent. Les pauvres d’Europe sont soignés dans leurs maladies, comme les esclaves des colonies ; les uns ont l’hôpital du maître, les autres, l’hôpital de la société. Mais quand vous entretiendriez mieux encore vos esclaves, quand vos salles d’infirmerie ne seraient point d’affreuses chambres à lits de camp ; un des malheurs de votre condition sera toujours que votre générosité ne puisse passer pour être sans alliage, et ne point toucher à l’intérêt bien entendu. Socrate disait il y a long-temps déjà : « J’en vois aucuns qui prennent la peine d’amener eux-mêmes le médecin visiter leur esclave souffrant, et donnent ordre soigneusement à tout ce qui lui est propre pour recouvrer la santé. Mais ils n’ont souci de leurs amis[1]. »

Que si l’on pense qu’une race d’hommes tout entière est faite rien que pour boire, manger, travailler et dormir ; que si l’on se juge autorisé à lui enlever à jamais l’usage de ses facultés pour la laisser livrée aux instincts ; que si l’on ne croit pas que toute race humaine noire ou blanche est appelée à jouir des bienfaits de l’intelligence, au prix même de douloureuses crises sociales, comme l’être humain subit les transfor-

  1. Mémoires de Xénophon, livre second.