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— À cela nous répondrons que l’ombre seule d’une appréhension le porte à s’y opposer. Craignant un procès, moins encore, un embarras quelconque, il préfère ne pas donner son consentement à des alliances qui peuvent toujours apporter quelque gène dans ses allures toutes puissantes. L’esclave, de son côté, ayant sans cesse à craindre de voir mettre à l’encan sa femme ou ses enfants, répugne à contracter une union qui peut être ainsi violemment rompue d’un jour à l’autre par le caprice du propriétaire ; et de là la perpétuité de cet immense désordre où l’esclave trouve le plaisir de la variété sans que le maître perde les profits de la production.

Telles sont les véritables causes de la rareté des mariages entre esclaves. À la Guadeloupe, il n’y en eut (année 1835) qu’un seul sur 96,000 individus ; à la Martinique, 14 sur 78,000 ; à Bourbon, néant[1] ! Tant il est vrai que dans le régime colonial les notions les plus simples, les plus naturelles de l’ordre social sont bouleversées ou plutôt n’existent pas. Là, le fils

  1. États statistiques distribués aux chambres par le ministère de la marine, 1837.