Page:Schœlcher - Abolition de l'esclavage, 1840.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


§ III. — Les Nègres en régime civilisé à Haïti.

Si l’on ne sait guère l’histoire de la révolution de Saint-Domingue, en revanche on ne sait pas du tout celle de la république d’Haïti. Parce que Haïti ne pouvait solder les annuités de la somme énorme de 150 millions qu’elle a follement consenti à nous payer pour prix de la reconnaissance de son indépendance, les planteurs nous répètent qu’il n’y a dans cette société que désordre et anarchie, conséquemment que les Nègres sont incivilisables.

Mais quel pays, quelle race a donc fait en trente ans les progrès qu’on demande ? Oublie-t-on que Saint-Domingue est peuplé d’anciens esclaves ou de la première génération d’anciens esclaves ? Oublie-t-on que Saint-Domingue, laissé libre en 1804, mais bouleversé, ruiné, dévasté, redoutant toujours une nouvelle descente, eut les plus grandes difficultés à vaincre pour réparer les maux de l’invasion ? Voit-on que le Mexique, la Colombie, la Grèce, placés dans des conditions de progrès et de bien-être certainement meilleures, paient beaucoup mieux l’intérêt