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De Néron, dedans un Merlan,

D'un Merlan, dans une Grenouille,

D'une Grenouille en la Gargouille,

De la Gargouille en Tamerlan :

De Tamerlan, dans une Anguille,

D'une Anguille, en un Crocodile.

D'un crocodile, dans l'Effroi :

De l'Effroi, dans un Dromadaire,

Puis d'une sorte extraordinaire,

Elle est venue enfin, parbleu, jusques à moi.

Il est bien vrai, que comparant

Mars avec ma grande prouesse,

Je le trouve, je le confesse,

De moi-même fort différent.

Ce n'est pas que dessus la Terre,

Mars n'ait fait quelque exploit de Guerre,

Digne d'être exalté fort haut :

Mars fut la merveille du Monde,

Sa Vaillance fut sans seconde,

Mais ventre, auprès de moi, ce n'était qu'un maraud.

Je suis au monde sans pareil,

Digne quasi que l'on m'adore,

La Terre n'a qu'un Matamore,

Comme le Ciel n'a qu'un Soleil.

Mais le Soleil, comme il me semble,

N'a rien encore qui me ressemble,

Car le Soleil fait son effort

De donner sans cesse la vie,

Et moi contraire à son envie,

Je donne incessamment la mort.