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STANCES DE MATAMORE.

Je l’avoue, il est vrai, perpétuellement

Je suis dans une humeur de rage et de furie,

Je songe incessamment à quelque diablerie,

Pourfendre un escadron, ou rompre un régiment.

Dans les viles mes coups de revers et de taille

Font quelques balafres :

Mais dans une bataille,

Je fauche les soldats, comme on fauche les prés.

L’un de ces mois passés, malgré tout mon pouvoir,

Ces faibles Déités qui donnent la Lumière,

Retenaient dans ce Ciel la clarté prisonnière,

Pour priver l’Univers du bonheur de me voir.

Fâché de la noirceur de cette nuit si brune,

Sans prendre autre conseil

J’allai fouetter la Lune,

Chiquenauder l’Aurore, et berner le Soleil.

Hier au matin piqué de mon ambition,

Je fus dans les Enfers pour y faire ravage,

À l’abord, de mes yeux j’assassinai la rage,

Je remplis tout de meurtre et de confusion.

Toutefois à la fin, d’une façon divine

J’adoucis mes regards,

Et baisant Proserpine

Je fis le Roi des Morts, le Prince des Cornards.