STANCES DE MATAMORE.
Qui saurait dire le courage,
Dont je me trouve revêtu ?
Pour bien parler de ma vertu,
L'on n'a point d'assez beau langage.
J'ai tant avalé d'espadons,
De flèches, d'arcs et de guidons,
De couleuvrines et bombardes,
Que si, parbleu, je vomissais,
Je vomirais des hallebardes,
Des morions et des pavois.
L'on ne saurait jamais comprendre
Le nombre infini des humains
Que j'ai par l'effort de mes mains
Écartelés et mis en cendre.
Su de ceux que j'ai massacrés
Dans les rues et dans les prés,
J'avais un seul poil de leurs têtes,
J'en ferais fort facilement
Des montagnes de qui les crêtes
Traverseraient le firmament.
J'appréhende un jour que ma gloire
Ne soit cause de mon malheur,
Et que par ma rare valeur,
Elle n'éteigne la mémoire :