Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée

J’y mis premièrement en guise de bouillon,

L’humide radical du corps d’un bataillon ;

Pour bien l’assaisonner en guise de morille,

J’y mis abondamment des langues de chenille ;

J’y mis pour champignons des yeux de basilic,

Pour muscade et pour sel vingt quintaux d’arsenic ;

J’y mis force clochers ainsi que des asperges,

Et pour des artichauts, j’y mis trente ramberges ;

Pour des cardes j’y mis la tresse d’Alecton,

Les larmes de Vénus pour du jus de mouton ;

Pour des mirabolans j’y mis un grand gavache,

Et les rognons d’Hercule en guise de pistache :

Lorsque j’eus achevé ce superbe festin,

J’envoyai promptement mon valet le Destin,

Pour aller supplier Pluton et Proserpine,

De venir m’assister à manger ma cuisine :

Mais voyant qu’ils faisaient un peu trop les glorieux,

Parbleu je leur jetai tout mon festin aux yeux ;

De là je suis venu pour faire encor la guerre,

Et comme auparavant troubler toute la terre :

Mais premier que d’aller visiter les combats,

Je vais me marier à d’aimables appas.