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Quand je me vais coucher, le triste chat-huant,

L'orfraie et le hibou d'un ton assoupissant,

D'un air tel que celui qu'on chante aux cimetières,

Ferment aimablement mes funestes paupières,

Et me laissant ravir aux douceurs du sommeil,

Je dors incessamment jusques à mon réveil.

La rosée au matin me lave le visage,

Mille petits oiseaux assemblant leur ramage,

D'un concert merveilleux et tout à fait charmant,

Gazouillent à l'envi pour mon contentement :

Pour montrer à quel point le firmament m'honore,

Je suis tout le premier que regarde l'aurore,

Et le premier rayon de la clarté des Cieux,

Fait le premier honneur à ce prodigieux :

Mon baignoir est le vase où Neptune préside,

Mon étuve est l'enclos de la Zone torride ;

Vous croyez que je sois sans aucuns serviteurs,

Mais j'en ai pour moi seul plus que douze Empereurs ;

J'en ai des quantités que l'on ne saurait dire,

Mais, ventre, quand mon train commence de me nuire,

Je le vais retranchant d'une étrange façon,

Car en me dépouillant contre quelque buisson,

Doucement et sans bruit ne faisant que m'ébattre,

Je le vais retranchant deux à deux, quatre à quatre.

Ah, ventre, un estafier me picote la peau,

Je le sens, je le tiens, ô petit vermisseau,

Vous me sucez le sang, vous l'osez entreprendre ?

Parbleu vous en mourez, rien ne vous peut défendre,

Vous serez de mes pieds écrasé tout soudain :

Mais l'appétit me vient, allons chercher du pain,

Depuis sept ou huit jours aliment ni substance,

Par mon large gosier n'est entré dans ma panse ;

Aussi tous mes boyaux se fâchent contre moi,