Page:Scarron - Oeuvres Tome 7 - 1786.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’étois au cours avecque les comtesses,
Où je jouois avec telles duchesses,
Est un fâcheux qui divertit par fois,
Mais il ne faut le voir que tous les mois.
Vous en serez, ô quêteurs et quêteuses,
Du nombre affreux des fâcheux et fâcheuses :
Vous effrontés, qui souvent demandez ;
Et vous parens, qui trop réprimandez ;
Et vous aussi qui par votre silence,
Votre sourire et votre contenance,
Nous déguisez un esprit de cheval :
Démasquez-vous, et parlez bien ou mal,
Si vous voulez qu’on sache qui vous êtes ;
On juge mal des personnes muettes,
On ne croit plus que médiocrement,
Qu’un taciturne abonde en jugement.
Vous en serez, ô vieilles pécheresses,,
Dont on a su les impures jeunesses,
Et n’étant plus en état de pécher,
Qui vous mêlez de venir nous prêcher,
En grand souci pour les péchés des autres,
En grand repos cependant pour les vôtres :
Et songez-vous, lorsque vous nous prêchez,
Qu’il n’est par-tout bruit que de vos péchez ?
Mais vous trouvez la censure un peu forte,
Et vous grondez : le diable vous emporte !
Vous en serez, vous dont la chasteté
Remplit l’esprit d’une sotte fierté,
Qui prétendez qu’aux pudiques Lucréces
Il est permis de faire les diablesses,
Et que pourvu qu'on garde son honneur,
On peut n’avoir ni bonté ni douceur ;
Et là-dessus, ô mesdames les prudes,
Vous devenez inciviles et rudes,
Et tout le monde, et même vos époux,
Ont à souffrir et se plaindre de vous.
Quoi ! si le ciel vous fit naître stupides,
Si les plaisirs sont pour vous insipides,
Si vous gardez votre honneur chérement,
Moins par vertu que par tempérament,
Prétendez-vous, prudes insupportables,
Que les humains vous en soient redevables ?
Et qui, grand dieu ! lorsque vous vivez bien,
Si ce n’est vous, en reçoit quelque bien ?