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Bien que le sort ne leur soit pas contraire :
Tous ces fâcheux le sont plus qu’un beau-pére.
Les éternels faiseurs de questions
Font enrager toutes les nations.
Les patineurs sont très-insupportables,
Même aux beautés qui sont très-patinables.
Le drôle alerte, autrement le madré,
Est très-fâcheux, tout bien considéré.
Ceux dont les fleurs sont par l’âge effacées,
Et qui toujours de leurs beautés passées
Font inutile et vaine mention
Au cher objet de leur affection,
Sont ennuyeux aux beautés printaniéres,
Et leurs desseins par-là n’avancent guéres.
Un sot poëte est par-tout détesté,
Et de son siècle est l’incommodité.
Un écriveur seulement pour écrire,
Qui n’aura rien bien souvent à vous dire,
Et dont la rage est montée à tel point,
Qu’il vous écrit, et ne vous connoît point,
Est un fâcheux nécessiteux de gloire,
Vain comme un diable, et qui s’en fait accroire.
Un courtisan qui se croit un grand clerc,
Par la raison qu’il aura le bel air,
Et qui se croit par la seule lumiére
De son esprit maître en toute matiére,
Juge de tout très-témérairement,
Souvent aussi très-impertinemment.
Mille à la cour se servent d’indolence
Pour exprimer langueur et nonchalance,
Et vous diront d’un ton triste et dolent,
Depuis huit jours je suis tout indolent ;
Et nommeront des beautés indolentes,
Qu’en bon françois nous nommons nonchalantes :
Sauf le respect qu’on doit à vos bons-sens,
Parlez correct, messieurs les courtisans :
Je ne dis pas que dans la bourgeoisie,
Qui de la cour est toujours la copie,
Mille badauds aussi d’un ton dolent,
N’abusent pas du terme d’indolent.
Mais qu’à la cour les plus belles caballes
Parlent par fois le langage des halles,
Quelle ignorance ! Est-il terme plus clair,
Que l’indolence ? ô messieurs du bel air !