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À MONSEIGNEUR SEGUIER, CHANCELIER DE FRANCE.


MONSEIGNEUR,


Il y a si peu de rapport entre un petit poëte burlesque et un grand chancelier, que l’on dira sans doute que je manque de jugement, de dédier un livre si peu sérieux au plus sage homme de notre siècle. La France na jamais eu de chancelier de votre force ; et l’on peut dire qu’outre les vertus théologales et cardinales, vous avez encore les vertus chanceliéres. On en a pu remarquer quelques-unes en plusieurs de ceux qui vous ont devancé ; en vous seul on les voit reluire toutes à la fois et si également, qu’il est bien difficile de connoître laquelle de ces vertus vous rend le plus recommandable. Pour moi, MONSEIGNEUR, j’admire sur toutes les autres votre bonté ; c’est par elle que mon premier livre de Virgile ne vous a point déplu, et c’est par elle que je prends la hardiesse de vous dédier le second, moi qui suis un inconnu, un inutile, enfin un malade qui na plus que la voix, et qui, dans sa plus parfaite santé, ne se seroit pas trouvé digne d’une grâce si extraordinaire. C’est en être prodigue, MONSEIGNEUR, et c’est ce qui me fait dire hardiment, quoique la façon de parler soit un peu bizarre, que je vous remercie du présent que je vous fais. Il y a peu de personnes dans le monde, fut-ce sur les galères, qui m’osassent