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fourré, la couronne à fleurons, et les autres marques de la qualité ducale, qu’ils ne les ont reçues ; mais tous ceux de cet ordre-là ne sont pas de même prix ; et quelques spéculatifs de mauvaise humeur trouvent moins de différence entre un duc et pair, et un duc à voler la corneille, qu’entre tel duc qui vaut beaucoup, et tel duc qui ne vaut guère. Pour vous, MONSEIGNEUR, tous les honnêtes gens ont été ravis de ce que la cour vous a rendu justice ; et s’ils n’ont pas encore la satisfaction de voir où un homme de votre mérite doit aller, ils ont au moins celle de vous en voir prendre le chemin. J’en commence bientôt un si long, qu’il y apparence que je ne reviendrai jamais en France, soit que je demeure en le faisant, ou que je l’achève. On ne me devroit donc pas soupçonner de lâche complaisance, ni de parler contre mes sentimens, quand je dirois à votre avantage tout ce que m’inspire l’entière connaissance que j’ai de ce que vous valez. Mais pour faire grace à votre modestie, je ne dirai pas tout ce que j’en pense. Je vous répéterai seulement ici, puisque les vérités connues sont bonnes à répéter : que vous êtes de ces excellens originaux qui ne peuvent avoir que de méchantes copies : qu’en même tems que vous vous êtes rendu le plus honnête homme de la cour, vous y avez fait quantité de faux Roquelaures, et y avez gâté bien du monde : que chacun admire en vous un air de grandeur qu’on ne peut imiter : et enfin que chacun s’étonne, qu’à quelque hauteur que votre hardiesse vous porte, elle vous y soutienne. Tout cela est vrai, ou la peste m’étouffe. Je suis,

MONSEIGNEUR,

Votre très-humbles, très-obéissant et très-obligé serviteur,
SCARRON.