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paysan qui lui présenta un verre d’eau de riviere, il ne me restait plus rien à ajouter, sinon qu’ils n’ont tous rien dit à la louange de V. M. qu’elle n’en mérite, et que je ne m’en imagine davantage. On me reprochera sans doute, que j’ai donc tort de me taire : mais une matière si haute s’imagine bien plus aisément qu’elle ne s’exprime, et je la dois laisser à traiter aux écrivains héroïques, qui sans doute auront besoin de tout leur Apollon pour en sortir à leur honneur ; car pour moi, humble petit faiseur de vers burlesques que je suis, et poète a la douzaine, je ne me mêle que de faire quelquefois rire, encore faut-il qu’on en ait plus grande envie que moi, qui seroit le plus chagrin de tous les hommes sans les bienfaits de V. M. et sans l’honneur que j’ai d’avoir une charge en sa maison. Cette charge n’est pas véritablement des plus importantes, mais elle est bien des plus difficiles à exercer ; et je pense sans vanité m’en être assez dignement acquitté, pour oser prier V. M. d’ajouter à l’honneur d’être son malade, celui d’être son poète burlesque. Pourquoi non, si je suis assez heureux pour avoir fait un livre qui lui plaise ? Et pourquoi ne lui plaira-t-il pas, puisque la moindre guenon peut quelquefois divertir l’esprit du monde le plus relevé ? Si mon Ænéide fait rire votre Majesté seulement du bout des lèvres, et que le fils d’Anchise ait assez plaisamment masqué ce carnaval pour la