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vivoient dans le luxe et dans l’abondance. En trois ans qu’ils trompèrent les yeux de tout le peuple de Séville, recevant des présens de tout le monde, et s’appropriant la plupart des aumônes qui passaient par leurs mains, ils amassèrent une si grande quantité de pistoles qu’il n’est pas croyable. Tous les bons succès étoient attribués à l’effet de leurs prières. Ils étoient parrains de tous les enfans, les entremetteurs de toutes les nôces, les arbitres de tous les différends. Enfin, dieu se lassa de souffrir leur mauvaise vie. Montufar qui étoit colère, battoit souvent son valet, qui ne pouvoit le souffrir, et qui l’eût cent fois quitté, si Héléne qui étoit plus politique que son galant ne l’eût appaisé par des caresses et des présens. Il le battit un jour beaucoup pour un mince sujet. Le garçon gagna la porte, et aveuglé de sa passion alla donner avis aux magistrats de Séville de l’hypocrisie des trois bienheureuses personnes. L’esprit diabolique d’Hélène s’en douta. Elle conseilla à Montufar de prendre tout l’or qu’ils avoient en grande quantité, et de se mettre quelque part à couvert de la furieuse tempête qu’elle craignoit. Aussi tôt dit, aussi tôt fait : ils se chargèrent de tout ce qu’ils avoient de plus précieux, et faisant bonne mine dans les rues, sortirent par une des portes de la ville, et rentrèrent par une autre pour mettre en défaut ceux qui les pourroient suivre. Mantufar avoit gagné les bonnes grâces d’une veuve aussi vicieuse et aussi hypocrite que lui, il en avoit fait confidence à Héléne, qui n’en avoit point été jalouse, comme Montufar ne l’eût point été d’un galant qui eût été utile au bien de la communauté. Ce fut là qu’ils se retirèrent et où ifs furent cachés et régalés avec luxe, la veuve aimant Montufar à cause de lui-même, et Héléne à cause de Montufar. Cependant la justice, conduite