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linge, et leur en faisoient à leurs dépens. Voilà les trois plus vicieuses personnes d’Espagne, l’admiration de Séville. Il s’y rencontra en ce tems-là un gentilhomme de Madrid, qui y étoit venu pour ses affaires particulières. Il avoit été un des amans d’Héléne, car les filles publiques n’en ont pas pour un seul : il connoissoit Mendez pour ce qu’elle étoit, et Montufar pour un dangereux fripon. Un jour qu’i|s sortoient d’une église ensemble, environnés d’un grand nombre de personnes qui baisoient leurs vêtemens, et les cpnjuroient de se souvenir d’eux dans leurs bonnes prières, ils furent reconnus de ce gentilhomme dont je viens de parler, qui s’échauffant d’un zéle chrétien, et ne pouvant souffrir que trois si méchantes personnes abusassent de la crédulité de toute une ville, fendit la presse, et donnant un coup de poing à Montufar : malheureux fourbes, leur cria-t-il, ne craignez-vous ni dieu ni les hommes ? Il voulut en dire davantage, mais sa bonne intention à dire la vérité un peu trop précipitamment, n’eut pas tout le succès qu’elle méritoit. Tout le peuple se jetta sur lui, qu’ils croyoient avoir fait un sacrilège en outrageant ainsi leur saint. Il fut porté par terre, roué de coups, et y auroit perdu vie, si Montufar par une présence d’esprit admirable ne l’eût pris sous sa protection, le couvrant de son corps, écartant les plus échauffés à le battre, et s’exposant même à leurs coups. Mes frères, s’écrioit-il de toute sa force, laissez-le en paix pour l’amour du seigneur, appaisez-vous pour l’amour de la Ste vierge. Ce peu de paroles appaisa cette grande tempête, et le peuple fit place à frère Martin, qui s’approcha du malheureux gentilhomme, bien-aise en son ame de le voir si maltraité, mais faisant paroître sur son visage qu’il en avoit un extrême déplaisir :