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muletier, y entrèrent au commencement de la nuit, et s’allèrent loger dans la premiére hôtellerie qu’ils trouvèrent. Montufar loua une maison, la meubla fort simplement, et se fit faire un habit noir, une soutane, et un long manteau. Hélène s’habilla en dévote et emprisonna ses cheveux dans une coëffure de vieille ; et la Mendez vêtue en béate fit gloire d’en faire voir de blancs, et de se charger d’un gros chapelet, dont les grains pouvoient dans un besoin servir à charger des fauconneaux. Les premiers jours après leur arrivée, Montufar se fit voir dans les rues habillé comme je vous l’ai déjà dit, marchant les bras croisés et baissant les yeux à la rencontre des femmes. Il crioit d’une voix à fendre les pierres, beni-soit le saint sacrement de l’autel, et la bienheureuse conception de la vierge immaculée, et plusieurs autres dévotes exclamations de la même force. Il faisoit répéter les mêmes choses aux enfans qu’il trouvoit dans les rues, et les assembloit quelquefois pour leur faire chanter des hymnes, des chansons dévotes, et leur apprendre leur catéchisme. Il ne bougeoit des prisons, il prêchoit devant les prisonniers, consoloit les uns et servoit les autres, leur allant quérir à manger, et faisant bien souvent le chemin du marché à la prison avec une hotte pesante sur le dos. O détestable filou ! il ne te manquoit donc plus qu’à faire l’hypocrite, pour être le plus accompli scélérat du monde ! Ces actions de vertu du moins vertueux de tous les hommes, lui donnèrent en peu de tems la réputarion d’un saint. Hélène et Mendez de leur côté travailloient à leur canonisation. L’une se disoit la mére, et l’autre la sœur du bienheureux frère Martin. Elles alloient tous les jours dans les hôpitaux, y servoient les malades, faisoient leurs lits, blanchissoient leur