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compagnie qui se faisoient la guerre. Montufar, Héléne et Mendez se réconcilièrent chemin faisant, et après s’être réciproquement promis d’oublier tour sujet de haine, s’embrassèrent avec autant de tendresse que de déplaisir de ce qui s’étoit passé, faisant justement comme les grands, qui n’aiment et ne haïssent rien, qui ajustent ces deux passions contraires à leur utilité, et à l’état de leurs affaires. Ils tinrent conseil sur le chemin qu’ils devoient prendre. Leur politique ne trouva pas à propos qu’ils allassent à Burgos, où ils étoient en danger de se rencontrer avec le gentilhomme de Tolède. Ils choisirent donc Séville pour leur retraite, et il leur sembla que la fortune approuvât leur dessein, puisqu’en entrant dans le grand chemin de Madrid , ils trouvèrent un muletier qui y remenoit trois mules, dont il étoit le maître, et qu’il ne fit point difficulté de leur louer jusqu’à Séville, à la première proposition que lui en fit Montufar. Il eut grand soin de régaler les dames durant le chemin, pour leur faire oublier le mauvais traitement qu’il leur avoit fair. Elles ne s’y fioient au commencement que de bonne sorte, et avoient bien résolu de se venger à la première occasion ; mais enfin, plus par raison d’état que par vertu, l’amitié se renoua entr’eux plus ferme que jamais. Ils considérèrent que la discorde avoit ruiné les plus grands empires, et crurent qu’ils étoient apparemment nés l’un pour l’autre. Ils ne firent aucun tour de leur métier dans le chemin de Séville ; car ne songeant qu’à changer de pays pour s’éloigner de ceux qui les pourroient chercher, ils craignirent de s’attirer de nouveaux embarras, qui les empêchassent d’aller à Séville, où ils avoient à exécuter de grands desseins. Ils mirent pied à terre à une lieue de la ville, et après avoir satisfait leur