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étoiles ; que la hache sacrilège n’entame jamais ton écorce tendre ; que le tonnerre respecte tes rameaux, et les vers de terre tes racines ; que l’hiver t’épargne, que le printems t’enrichisse, que les plus superbes pins te portent envie ; et enfin que le ciel te protège. Pendant que l’honnête gentilhomme se consumoit en regrets inutiles, ou si vous voulez en regrets poétiques, qui sont bien de plus grande importance que les autres, et dont il n’est pas bon de se servir tous les jours, ses gens qui ne savoient ce qu’il étoit devenu, après l’avoir cherché quelque tems, le trouvèrent et se rassemblèrent auprès de lui ; il s’en retourna chez son frère, fort triste, et je pense avoir ouï dire qu’il se coucha sans souper. On dira peut-être que je laisse ici trop longtems le lecteur en suspens, qui sans-doute est impatient de savoir par quel enchantement Héléne et Mendez avoient disparues à l’amoureux Dom-Sanche. Qu’on ne s’en scandalise pas davantage, je m’en vais vous le dire. Montufar se sut d’abord bon gré de la justice qu’il avoit faite ; mais aussi-tôt que le feu de sa vengeance commença de se rallentir, son amour se ralluma, et lui figura Héléne plus belle qu’il ne l’avoit jamais vue. Il se représenta que ce qu’il lui avoit pris, seroit bientôt dépensé ; et que sa beauté étoit un revenu assuré pour lui, tandis qu’il seroit bien avec elle ; dont l’absence lui étoit déjà insupportable. Il retourna donc sur ses pas, et ses mêmes mains barbares qui avoient si rigoureusement attaché à des arbres les deux fugitives, et qui ensuite les avoient si cruellement fouettées, brisèrent leurs chaînes, je veux dire coupèrent ou délièrent leurs cordes, et les remirent en liberté dans le tems que Dom-Sanche tâchoit tout près de-là de mettre la paix entre les ivrognes de sa