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à six ou sept lieues de Burgos ; elles pâlirent et rougirent en le voyant, et s’excusèrent si elles le purent faire. Montufar ne leur parut guère fâché, tant la joie de les avoir trouvées se fit remarquer sur son visage. Il rit le premier avec elles du tour qu’elles lui avoient fiait, et les rassura si bien qu’elles le crurent un sot en leur ame. Là-dessus il leur fit entendre qu’elles avoient perdu le chemin de Burgos et les ayant conduites dans des rochers où il savoit bien qu’il n’alloit jamais personne, il mit la main à une grande dague, pour laquelle elles avoient toujours eu beaucoup de respect, et leur dit fort crûment qn’elles eussent à lui mettre entre les mains tout ce qu’elles avoient d’or, d’argent et de pierreries. Elles crurent au commencement, que leurs larmes feraient passer l’affaire par accommodement. Héléne en versa beaucoup, lui jettant les bras au cou ; mais le cavalier étoit si fier de les avoir en sa puissance, qu’il ferma l’oreille à toute négociation, et leur signifia encore sa derniére volonté, ne leur donnant qu’un demi-quart-d’heure pour se résoudre. Il fallut donc qu’elles sacrifiassent leurs bourses à leur salut, se défaisant avec une extrême douleur, de ce qui leur étoit plus cher que leurs entrailles. La vengeance de Montufar ne s’en tint pas-là, il leur fit voir des cordes dont il s’étoit pourvu à dessein, et les en ayant attachées chacune à un arbre vis-à vis l’une de l’autre, il leur dit en souriant en traître, que sachant bien qu’elles étoient fort négligentes à faire de tems en tems quelque pénitence pour leurs péchés, il vouloit leur donner la discipline de sa main, afin qu’elles se souvinssent de lui dans leurs prières. L’arrêt fut éxécuté sans remises avec des branches de genêt ; et après qu’il se fut satisfait aux dépens de leur