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l'avoit Iongtems aimé. Il avoit témoigné si peu de résolution, lorsque Dom-Sanche et ses valets avoient arrêté leur carrosse, qu’elle ne doutoit plus qu’il ne fut grand poltron. Il lui étoit devenu par-là si odieux, qu’elle avoit même peine à en souffrir la vue ; elle ne pouvoit plus songer qu’aux moyens de se délivrer de ce tyran domestique, et cependant se flattoit incessamment en elle-même de l’espérance d’être bientôt en liberté. C’étoit le conseil que lui donnoit Mendez, qu’elle appuyoit de toutes les raisons que sa prudence lui fournissoit. Elle ne pouvoit souffrir qu’en une maison où elle avoit à vivre, il y eût un Montufar qui lui commandât, qui en gouvernât la maîtresse, et jouît sans rien faire de ce qu’elles avoient l’une et l’autre bien de la peine à gagner. Elle représentoit incessamment à Héléne le malheur de sa condition qu’elle comparait à celle des esclaves qui travaillent aux mines, qui enrichissent leurs maîtres de l’or qu’ils tirent de la terre avec grand travail ; et au-lieu d’en être mieux traités, n’en ont quelquefois que des coups de bâton. Elle lui disoit incessamment, que la beauté est un bien de peu de durée, et que son miroir, qui ne lui faisoit rien voir alors qui ne fût très-aimable, et ne lui parloit jamais qu’à son avantage, commenceroit bientôt à lui représenter des objets peu satisfaisants, et à lui apprendre de méchantes nouvelles. Madame, lui disoit-elle, une femme qui passe trente ans, perd tous les six mois quelque agrément, et voit chaque jour naître sur son corps ou sur son visage quelque tache ou quelque ride. Les ans ne font que vieillir les jeunes et rider les vieilles. Si une femme qui s’est enrichie aux dépens de ses mœurs et de sa réputation, ne laisse pas d’être méprisée