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humeur de son mari. Cette petite confidence fit croire à Dom-Sanehe qu’il n’en étoit pas haï. Il prit congé d’elle, et plus porté de son espérance que de son cheval de poste (si j’ose ainsi dire) piqua vers Madrid. Il n’y fut pas plutôt arrivé, qu’il s’informa d’Héléne et de sa demeure, sur les enseignes qu’elle lui en avoit données. Ses valets se lassèrent de la chercher, ses amis n’y furent pas épargnés, et tout cela fort inutilement. Hélène, Montufar et la vénérable Mendez, n’arrivèrent pas plutôt à Madrid qu’ils songèrent par où ils en sortiraient. Ils savoient bien qu’ils n’y pouvoient évitée le cavalier Toledan, et que s’ils lui donnoient une plus particulière connoissance du mérite de leurs personnes, ils l’éprouveroient aussi dangereux ennemi, qu’ils le croyoient alors leur passionné serviteur. Héléne mit donc tout ce qu’elle avoit de meubles en sûreté, et dès le jour d’après son arrivée s’habillant à la pélerine, elle et sa compagnie, elle prit le chemin de Burgos, d’où étoit Mendez, et où elle avoit encore une sœur de sa profession. Cependant Dom-Sanche perdit toute espérance de retrouver Héléne, et s’en retourna à Tolède si confus et si honteux, que depuis Madrid jusqu’en sa maison on ne lui entendit pas dire une parole. Après avoir salué sa femme, qui lui fit mille caresses, elle lui donna des lettres de son frère, qui lui apprirent qu’il étoit à l’extrémité de sa vie dans une des meilleures villes d’Espagne, où il possédoit les premières dignités de l’église cathédrale, et étoit des plus riches ecclésiastiques du pays. Il ne coucha donc qu’une nuit à Tolède, et dès le matin prit la poste, pour aller voir guérir son frère, ou recueillit sa succession. Cependant Héléne étoit sur le chemin de Burgos, aussi mal satisfaite de Montufar qu’elle l’avoit