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aussi-bien que lui. Il la conjura de considérer combien se méprend aisément une personne aveuglée de colère. Voyez, je vous prie, disoit-il, à quoi les valets peuvent engager leurs maîtres. Si je ne m’étois trouvé avec les miens, ces étourdis, sur des apparences peu certaines, auroient mis tout le pays en rumeur, et la force à la main vous auroient menée à Tolède comme une larronesse. Ce n’est pas que vous ne la soyez, ajoûta-t-il en se radoucissant, mais c’est plutôt de cœurs que d’autre chose. Hélène remercia le ciel en elle-même, de ce qu’il lui avoit donné un visage capable de rendre impunies toutes les mauvaises actions qu’elle avoit accoutumé de faire, et se rassurant de la peur qu’elle avoit eue, répondit à Dom-Sanche avec beaucoup de modestie, et en peu de paroles, sachant bien que qui se défend beaucoup d’une chose dont on l’accuse, augmente le soupçon qu’on en a. Dom-Sanche s’émerveilloit d’avoir trouvé ce qu’il cherchoit par un chemin si étrange ; et tout fou qu’il étoit, il flattoit sa passion en croyant que le ciel la favorisoit, puisqu’il l’avoit empêché de retourner à Tolède, comme il en avoit eu plusieurs fois là pensée, ce qui eût été sans-doute s’éloigner du bien qu’il cherchoit avec tant d’empressement. Il demanda à Héléne son nom et sa demeure à Madrid, et la supplia de trouver bon qu’il y allât lui confirmer les offres de services qu’il lui faisoit. Héléne lui déguisa l’un et l’autre, et lui dit qu’elle se tiendroit fort heureuse de recevoir ses visites. Il s’offrit de l’accompagner ; elle n’y voulut pas consentir, lui représentant qu’elle étoit mariée, et que son mari venoit au-devant d’elle en carosse ; et elle lui dit tout bas, qu’elle se défioit de ses domestiques mêmes, et encore plus de la mauvaise