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au mal pour diversifier ; ils employent pour le trouver, du tems, des pas et de l’argent, et sont quelquefois longtems à prier une inhumaine avant-d’en obtenir ce qu’elle donne quelquefois à d’autres sans en être priée. C’est le ciel qui le permet ainsi , pour les punir par le mal même de ce qu’ils s’y portent aveuglément. Homme misérable, à qui le ciel a donné les deux choses du monde qui peuvent le plus faire ta félicité, du bien en abondance, et une femme aimable ; du bien pour en pouvoir faire à ceux qui le méritent et qui n’en ont point, et pour n’avoir point à se porter aux bassesses à quoi la pauvreté réduit les ames les mieux nées ; et une femme qui t’égale en qualité et en bien ; belle de corps et d’ame, toute parfaite à tes yeux, et encore plus à ceux des autres , qui voyent plus clair dans les affaires d’autrui que ans les leurs ; et enfin qui a de la retenue, de la pudeur et de la vertu. Que cherches-tu hors de chez toi ? N’as-tu pas en ta maison une moitié de toi-même, une femme dont l’esprit divertit le tien, dont le corps se donne tout entier à ton plaisir, qui est jalouse de ton honneur, soigneuse dans ton ménage, habile à conserver ton bien, qui te donne des enfans qui te divertissent en leur jeunesse, qui te secourent en ta vieillesse, et qui te feront revivre après ta mort ? Que cherches-tu encore un coup hors de chez-toi ? Je vais te le dire en peu de mots : à te ruiner de bien et de réputation, à perdre l’estime de tes amis, et à te faire des ennemis redoutables. Crois-tu ton honneur à couvert, à cause que tu as une honnête femme ? Hà ! que tu as peu d’expérience des choses du monde, et peu de connoissance de notre fragilité ! Le cheval du monde le mieux dressé et le