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d’avoir bien fait, elle crut qu’une poignée ou deux de cheveux ne feroient pas un petit effet sur l’auditoire. Aussi-tôt dit, aussi tôt fait. Elle fit un grand dégât à sa tête : mais la vérité est qu’il n’y alloit rien du sien, et qu’il n’y avoit pas un seul cheveu qui fut de son crû. Héléne et Mendez s’affligeoient ainsi à l’envi, quand Montufar et le laquais, au signal concerté entre eux, se firent entendre auprès de la porte, soupirans et pleurans, à ne porter point envie aux pleureuses d’auprès du lit, que ce nouveau chœur de musique lugubre remit en humeur de s’affliger. Le vieillard se desespéroit de voir tant pleurer, et de ne pouvoir apprendre pourquoi. Il pleuroit aussi selon ses forces, sanglottoit autant que pas un de la compagnie, et conjuroit par toutes les puissances du ciel, les dames affligées de modérer un peu leur affliction, et de lui en apprendre le sujet, leur protestant que sa vie seroit la moindre chose qu’il voudroit hazarder pour elles , et regrettant leur jeunesse passée, pour témoigner par des effets la sincérité de ses desseins. Elles se radoucirent à ces paroles, leurs visages se déridérent, et elles crurent avoir assez pleuré pour pouvoir ne pleurer plus sans se faite tort ; outre qu’elles étoient grandes ménagères du tems, et quelles savoient bien qu’elles n’en avoient point à perdre. La vieille donc levant sa mante de dessus sa tête, afin que son vénérable visage lui donnât tout le crédit dont elle avoit besoin, déclama de cette sorte. Dieu par sa toute-puissance garde de mal monsieur le marquis de Villefagnan, et lui donne toute la santé qui lui est nécessaire, quoiqu’à dire la vérité, ce que nous venons lui apprendre ne soit guère propre à lui donner de la joie, qui est la fleur de la santé ; mais notre malheur est tel, qu’il faut que nous le communiquions