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de trois profondes révérences, sans y compter celle du petit laquais, qui ne fit à la sienne rien qui vaille. Au milieu de la chambre autres trois révérences toutes d’un même tems, et autres trois avant de prendre des sièges, qui leur furent approchés par un jeune page, camarade de celui qu’Héléne tenoit enfermé dans sa chambre ; mais ces trois dernières révérences furent telles, qu’elles firent presque oublier les premières. La partie courtoise de l’ame du vieillard en fut toute émue ; les dames s’assirent, et Montufar et le petit laquais se retirèrent tête nue auprès de la porte. Cependant le vieiliard se tuoit de leur faire des complimens, et s’affligeoit de leur deuil avant d’en savoir la cause, qu’il les pria de lui apprendre, comme aussi le sujet qui lui faisoit avoir l’honneur de les voir à une heure si indue pour des personnes de leur condition. Héléne, qui ne savoit que trop la force d’émouvoir et de persuader qu’ont deux beaux yeux qui pleurent, fit déborder les siens en un torrent de larmes, et sa bouche en des soupirs et des sanglots interrompus, d’un ton qu’elle haussoit et baissoit selon qu’elle jugeoit à propos, faisant paroître de tems en tems la beauté de sa main qui essuyoit ses larmes, et découvrant quelquefois son visage pour faire voie qu’il étoit aussi affligé que beau. Le vieillard attendoit avec impatience qu’elle parlât, et commençoit de l’espérer, car le fleuve de larmes débordé s’étoit déjà séché sur la campagne de lys et de roses qu’il avoit inondée, quand la vieille Mendez, qui jugea à propos de reprendre le chant lugubre où l’autre l’avoit laissé, commença à pleurer et à sanglotter avec tant de force, que ce fut malheur et honte pour Héléne de ne s’être pas assez affligée. La vieille ne s’en tint pas-là: pour avoir sur Héléne l’avantage