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pu le soleil courant les rues : il en fut si charmé, que pour peu de chose il eût abandonné ses nôces, pour se jetter à corps perdu dans la conquête de çette charmante inconnue ; mais pour-lors la prudence lui fit étouffer un désir emporté, qui ne faisoit encore que de naître. Il suivit sa troupe de masques, et le carosse de louage continua son chemin à la friperie, où en moins de rien et sans marchander Hélène s’habilla de deuil depuis les pieds jusqu’à la tête, fit habiller de la même parure la vieille Mendez, Montufar, et son petit laquais, et remontant en carosse fit toucher le cocher à l’hôtel du comte de Fuensalide. Le petit laquais y entra, s’informa de l’appartement du marquis de Villefagnan, et alla lui demander audience pour une dame étrangère des montagnes de Léon, qui avoit à lui parler pour une affaire de conséquence. Le bonhomtne fut surpris de la visite d’une telle dame, et à telle heure. Il se composa sur son lit le mieux qu’il put, rajusta son colet fourbi, et se fit mettre sous le dos deux carreaux de plus qu’il n’en avoit, pour recevoir une si importante visite avec plus de bienséance. Il se tenoit en cet état, la vue attachée sur la porte de sa chambre, lorsqu’il y vit entrer, non sans grande admiration de ses yeux, et non moindre altération de son cœur, le funeste Montufar, autant couvert de deuil lui seul qu’un convoi entier, suivi de deux femmes de même parure, dont la plus jeune, qu’il tenoit par la main et qui se cachoit une partie du Visage avec son voile, paroissoit la plus triste et la plus considérable. Un laquais lui portoit une queue si longue, si ample, et où il entroit tant d’étoffe, que lorsqu’elle fut épanouie, tout le plancher de la chambre en fut couvert. Dès la porte ils saluèrent le vieillard malade